Bite and hide

Il fait nuit. Tout le monde semble dormir, et le village est calme. Les étoiles brillent dans un ciel indigo. Un ciel pur d’hiver. Dehors, la neige recouvre tout d’un manteau blanc épais, si blanc qu’il reflète presque la lueur des étoiles.
Pourtant, encore une maison, près de la forêt, est encore allumée. La cheminée fume. À l’intérieur, quelques bougies sont allumées. On distingue des objets qui jonchent le sol. Ici, un grimoire, et là quelques vêtements. Et au bout du couloir, juste dans l’autre pièce, on entend la voix d’un vieil homme qui grommelle dans sa barbe.

“Nom d’un troll à trois pattes !”

L’homme est penché sur un petit récipient qui contient un liquide d’une couleur étrange. Bleue, peut-être violette, on ne saurait le dire à la lueur des bougies. Et à l’autre bout de la pièce, avachi sur un fauteuil de cuir, un jeune garçon dort à moitié. Il semble fatigué et n’a aucune envie de poursuivre sa journée de travail.

“Un problème, Maître ? demande-t-il pourtant, la voix ensommeillée.
— C’est une catastrophe, un désastre, une… Calamité !” s’écrie l’autre.

Eorias se lève du fauteuil en soupirant, avant de s’approcher de son maître. Le mage se redresse brusquement.

“À ce point ? raille Eorias.
— Oui ! C’est bien pire que la fois où j’ai failli te transformer - par mégarde - en grenouille… Nous n’avons plus une seule goutte de bave de limace à trois cornes ! Sans elle, je ne peux pas terminer l’onguent pour les verrues que je dois vendre demain au marché.
— Hum… Nous pourrions le remplacer par des jeunes pousses de mandragores ? Je crois qu’elles ont les mêmes effets.”

Le regard de son maître s’illumine. Décidément, son jeune apprenti est un bon élève. Et il est fier de lui. D’ailleurs, il s’exclame en se tournant vers Eorias :

“Tu es un génie ! Couvre-toi bien, il fait froid, dehors.
— Euh… Je dois y aller maintenant ?”

Comme le mage sourit sans répondre, Eorias soupire une nouvelle fois en enfilant son manteau et ses bottes fourrées. Le jeune homme maugrée en sortant dans la neige. Heureusement, tout est calme et éclairé par les étoiles qui scintillent. Eorias frissonne en enfilant ses gants et en rabattant sa capuche sur sa tête. Le vent est glacial et s’engouffre dans sa nuque. Il se répète qu’il n’a pas peur, comme pour se donner du courage ; bien qu’il soit terrorisé, en réalité. Ses pas crissent dans la neige, lorsque soudain un grognement dans les fourrés attirent son attention. Il sursaute, et la voix tremblante, comme si l’animal pouvait lui répondre, il demande :

“Qui va là ?”

Un loup-garou surgit et engage une poursuite qui se révèle assez courte. L’animal, plus puissant, plus rapide, a tôt fait de rattraper Eorias qui se débat comme un beau diable pour lui échapper, hurlant des appels au secours. Mais ici, personne ne peut l’entendre. Seul face au loup, il se retrouve à présent sous le corps de l’animal, qui se prépare à lui trancher la gorge pour le dévorer.
PAN
Et l’animal s’écroule raide mort, après un cri d’agonie bref.

“Qu’est… Qu’est-ce…
— Ne me remercie pas, étranger. Je suis Salandar, chasseur de créatures. Tu as eu de la chance de ne pas…”

Le chasseur s’interrompt soudainement, remarquant le bras blessé d’Eorias.
Trop tard.
Les marques des crocs de l’animal sont gravées dans la chair de l’apprenti-mage. Le sang se répand peu à peu sur son manteau, sur la neige. Terrorisé, Eorias recule un peu dans l’ombre. C’est trop tard. Déjà, le chasseur brandit son arme sur le jeune homme qui choisit de détaler au plus vite, poussé par la peur.
Alors qu’il a semé Salandar, il s’arrête, essoufflé. La transformation semble commencer.